Philippe BIGOT : L’identité professionnelle du coach

Interview – Octobre 2013

Philippe BIGOT, Psychologue clinicien, pratique depuis 25 ans le métier de coach et de formateur. Il dirige un cabinet de conseil RH depuis 20 ans. Spécialisé dans l’accompagnement des personnes et des équipes, il forme et supervise des professionnels du coaching au sein de Convergence RH. Il a été Président du Comité d’Accréditation et de Déontologie de la SFCoach© et en a fondé le pôle régional en PACA.

Ce mois-ci, Mon Carré Vert s’est intéressé à l’identité du métier de coach et a interviewé Philippe BIGOT sur son domaine d’expertise.


 

Mon Carré Vert.  Selon toi, la construction de l’identité de coach se construit-elle dans une dimension rétrospective ou prospective ?

Philippe BIGOT. La construction identitaire, pour les coachs, se fait dans plusieurs dimensions : la dimension du parcours personnel à partir duquel le coach va trouver des points d’appui pour étayer son identité de coach. La question est alors : quels sont les points, les nouages dans mon parcours, dans mon histoire, sur lesquels m’appuyer pour accompagner les autres ?

Cette construction identitaire est arythmique et prend du temps. Ce sont des allers-retours de moi à mon histoire, de moi aux autres : à mes pairs, ceux qui m’ont formé et m’accompagnent dans une position de «sachant» ainsi que dans la dimension de l’autre «institutionnel». Dans mon cas, la SF Coach m’a aidé en tant que lieu de confrontation ; dans le processus social il y a quelque chose de cet ordre qui permet à l’identité de se former et de s’affirmer.

Qu’est-ce qu’il y a dans mon histoire qui fait que je me constitue dans ce projet de devenir coach ? C’est une identité en devenir, une empreinte à partir de laquelle le projet d’adulte prend forme. C’est un processus à la fois prospectif et rétrospectif. Il se situe dans l’après coup professionnel, il est relié à l’histoire. Ce qui est de l’ordre de la rétrospection consiste moins à chercher une cohérence logique que de trouver une rationalisation, qui est une tendance à faire tenir l’ensemble des éléments de vie. En regardant ce que j’ai fait de certaines situations, cela donne du sens, du contenu et de la direction. C’est une impulsion, une énergie avec des notions d’allers-retours réflexifs. Selon moi, la dynamique vient de là.

L’énergie intrinsèque de l’identité est produite par l’altérité. Elle est aux confins de ces éléments « dedans-dehors ». L’Institution est alors un moment important car elle est un processus éminemment social. L’identité est instable, elle est la résultante de mouvements d’aller-retour avec les autres, le monde. Donc elle est sans cesse en mouvement.

Quelle vision métier et pratiques viennent façonner cette identité ?

Le travail sur soi, individuel, et la mise en situation ; mais aussi la mise au travail des questions :

  • « Qu’est-ce qui constitue mon désir ? »
  • « Qu’est-ce qui dans mon désir porte cette activité de coach ? »

Pour ma part, cela vient du corpus psychanalytique et l’expérience d’un travail sur moi.

Je me suis beaucoup intéressé au courant appelé « constructionnisme social » et donc au « post-structuralisme ». La « réalité socialement construite » est vue comme un processus dynamique. Ce courant sociologique postule que la réalité de ce monde repose sur les mots que nous employons. Le langage devient la réalité de ce que nous vivons. L’interface entre la réalité du monde dans lequel on vit est une construction de langage avant d’être représentation d’image par exemple. On oriente de fait l’identité dans les effets de langage. A ce titre, le métier de coach est le récit que je fais de mon métier mais aussi ce qu’en disent les autres, car, la réalité du monde se trouve entre ce que je dis et ce que l’autre en dit. Dans l’entre-deux, se jouent les choses et cela est interpellant et nourrissant pour moi.

Y a-t-il dans l’actualité des éléments qui te questionnent sur l’identité de coach ?

Oui, les approches peu rationnelles dans le coaching que l’on voit apparaître telles que l’hypno-coaching, ou « Coaching &  Tarot » proposé par un IAE. Ces démarches sont proposées aujourd’hui dans le cadre de l’entreprise à des managers.

Comment décidons nous de nous situer par rapport à ces nouvelles pratiques ? En effet, l’identité d’un métier a des impacts sur ma propre identité professionnelle. C’est selon moi la dérive magique qui est un mélange des genres auquel je ne peux m’identifier. C’est une dérive qui me fait penser au retour du refoulé*.

 

* « Le retour du refoulé » théorisé par Freud est tel l’acte manqué ou le lapsus, une apparition de contenus inconscients, habituellement réprimés car inavouables. (cf : Sigmund Freud : L’Interprétation des rêves)


 

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