Élisabeth Mandel : L’identité professionnelle, moyen de reconnaissance
Interview d’Élisabeth MANDEL – Août 2013
Psychologue et Coach, Élisabeth MANDEL accompagne depuis 15 ans les changements, souhaités ou imposés, des entreprises et des personnes pour l’entreprise Difféliance. Elle est également partenaire de Mon Carré Vert.
Elle nous donne aujourd’hui sa vision de l’identité professionnelle.
MON CARRE VERT. Qu’est-ce qu’est l’identité professionnelle selon toi, et comment se construit t’elle ?
Élisabeth Mandel. En réfléchissant à cette question, je me suis dit qu’il y a presque une thèse à écrire sur le sujet… Si je dois donner une définition, c’est : « Ce par quoi je me reconnais dans mon contexte professionnel ».
Si je devais la représenter par un dessin, je dessinerais un soleil brillant.
Mon identité professionnelle, c’est ce qui me rend stable dans mes relations professionnelles et ce qui me permet d’afficher mes convictions.
Elle me permet de reconnaitre mes compétences et celles des autres. Je suis unique et singulier et l’autre l’est également ; je peux parler de ma propre identité parce que je ne cherche pas à faire ou à être comme mon voisin et que je reconnais que ce dernier est légitime à être différent de moi.
Se poser cette question est-il nécessaire et pour quoi ?
Élisabeth Mandel. Réfléchir à cette question peut permettre de se sentir légitime dans son métier.
Cela se construit progressivement, au regard de l’expérience faite avec d’autres. Cela nécessite de la réflexivité, c’est à dire la capacité à se regarder faire et à l’analyser.
Lorsque l’on pose la question : « quelle est ton identité professionnelle ? », la réponse la plus courante est d’afficher son poste ou son statut : « Je suis directeur commercial« , ou « Je suis enseignant » ; autrement dit, « Je suis légitime en tant que directeur commercial parce que j’en occupe le poste. » Lorsqu’on poursuit le questionnement, les réponses s’étoffent des prémices d’un système de valeurs. Le directeur commercial pourra dire : « Je suis compétent pour gérer mes équipes dans la bonne humeur et démarcher mes clients avec empathie. J’ai une vision stratégique du secteur et ne vends jamais un produit qui ne conviendrait pas à long terme à mes clients« . etc
On voit donc ici plusieurs éléments de l’identité professionnelle.
– mes valeurs, le sens que je mets dans mes actes
– mes compétences et qualités au service de mes convictions
– s’y ajoutent mes expériences avec le reste du monde, c’est à dire les résultats que j’ai obtenus, les feedbacks positifs ou négatifs de mon entourage, ce qui a satisfait ou non mes convictions. Cela me permet d’ajuster mes actions tout en gardant mes convictions, ma confiance et mon estime de moi.
L’intégration de ces trois paramètres est l’identité professionnelle et se traduit par « Je suis légitime dans mon métier« .
Est-ce un évènement particulier qui t’a amené à penser à la question de l’identité ?
Élisabeth Mandel. Pour ma part, je l’ai vécu tard. Lorsque j’ai analysé mes 15-20 ans de carrière, j’avais une impression de malaise, comme l’impression de ne pas être à la bonne place. Il y avait désajustement entre compétences- actes et convictions. Je n’avais pas interrogé mes convictions, et c’est ce qui a fait le lien.
Il y a 2 ans, mes convictions m’ont sauté aux yeux. Je pense que l’année de mes 40 ans a joué. J’avais oublié de penser à moi et à mon rêve.
Un peu comme dans la crise d’adolescence où il s’agit de faire ses propres choix, la quarantaine est dans le même esprit. Mes convictions se sont imposées à moi car elles n’avaient pas été interrogées pendant longtemps.
Aujourd’hui, je suis légitime. Je vois le soleil qui brille. J’ai mis en lien mon métier de coach et de psychosociologue qui me pose en terme de légitimité. Le travail de conceptualisation de mon approche de coach (qui interroge qui je suis, ce que j’y mets) m’a permis de pouvoir parler de l’identité professionnelle.
Qu’est ce qui dans ton approche conceptuelle t’a amené des éléments de réponse sur la question de l’identité professionnelle ?
Élisabeth Mandel. Mon approche s’est toujours intéressée à l’identité à travers mes études de psychologie et de psychosociologie. Pour autant, elle était intellectuelle jusqu’alors et non expérientielle. J’ai interrogé mes mécanismes identitaires dans le cadre de mon mémoire de fin d’études il y a une vingtaine d’années. A travers mon approche de l’accompagnement professionnel, j’ai cherché à conceptualiser cette question pour les autres pour expliquer ma démarche et mes partis pris. Cela a été un travail réflexif pour moi et aujourd’hui, je suis en mesure de donner ma définition de l’identité professionnelle, et je suis légitime pour le faire !
Pour finir, je pense que l’identité professionnelle se construit par choix. Il s’agit de comprendre les liens entre ses convictions (valeurs et sens), ses compétences et ses actes (incluant l’aspect psychosocial de la relation au travail). Une fois découverts, ils posent la reconnaissance de l’altérité et donc la capacité à reconnaitre son identité professionnelle, et donc, la légitimité professionnelle de soi.